Th/V
Reportage photo, projet vidéo, combien ça coûte ?

Beaucoup, beaucoup, vraiment beeeaaauuucooouuup d’appels au standard pour me demander le prix d’une prestation photo/vidéo. Enfin plutôt me demander d’expliquer le prix. Autant être franc, beaucoup trouvent que c’est cher et je dois bien avouer que je suis comme tout le monde, pour moi au dessus de gratuit, c’est trop cher. Mais bon, un photographe ou un vidéaste c’est comme un plombier, un garagiste ou un comptable ; comme tout professionnel, il gagne sa vie avec son travail. Mais contrairement à la plomberie, le garagisme et la comptabilité, la photo (surtout) et la vidéo sont perçus - à juste titre - comme un loisir, voir une passion. Loin de moi l’idée que la logistique des fluides domestiques, la mécanique ou encore les mathématiques appliqués aux finances professionnelles soient des activités dénuées de tout plaisir, bien au contraire, j’adore bricoler et je me débrouille plutôt pas mal avec ma comptabilité, mais vous avouerez quand même que les rayons des magasins ou les sites de e-commerce sont plus souvent fréquentés pour du matos photo que pour de l’outillage ou des logiciels de gestion. Hors, chez les gaulois, travaille rime rarement avec plaisir.

Pourtant, aujourd’hui plus que jamais, l’image est au cœur de toute activité commerciale, qu’il s’agisse d’information, de communication, de publicité… Depuis plus d’un siècle - et encore plus intensément depuis environ 60 ans, l’image est un vecteur majeur, voir prépondérant, pour porter un message. Mais seulement voilà, la révolution numérique ayant mis à la portée de tous des moyens de production et de diffusion véritablement performants, il est devenu un peu plus difficile d’imaginer que photographe, réalisateur, vidéaste, cinéaste, sont des métiers. Et qui dit métier dit savoir-faire.
Autant le maniement du matériel est devenu un vrai jeu d’enfant (je suis moi-même autodidacte), autant obtenir un SIRET et prendre une assurance pro sont des démarches simples et rapides… Il n’en reste pas moins « tout ce qu’il y a autour » et ça, ça ne s’improvise pas.
Comprendre la demande d’un client, établir un tarif en conséquence, inscrit son travail dans un univers - souvent charté - qui n’est pas le sien, répondre à des critères techniques spécifiques (format, colorimétrie, destination du travail, etc.), respecter la règlementation et remplir les tâches administratives, livrer à l’heure, interpréter les remarques et apporter des retouches, etc. etc. Et j’en passe. Bref, être photographe ou réaliser des film ne s’arrête pas à faire un cadre, régler vitesse, ouverture, ISO et appuyer sur le déclencheur. Ce sont justement tous ces paramètres qui font la différence entre un pro et un amateur - et non la qualité d’image.

Oui mais bon… Qu’est ce qui justifie qu’une journée de shoot coûte 960 € ? C’est une très bonne question, je vous remercie de l’avoir posée. D’autant que pour ce prix là vous pouvez tout à fait vous payer un kit reflex/objectif très fréquentable.
Allez, mathématiques :
PHOTO
960 € / journée photo = 7 heures sur site + environ 7 heures de post-traitement au bureau (sélection, traitement et optimisation des photos), donc 14 heures de travail.
Soit environ 68,60 € de l’heure.
Bien sûr ce tarif peut varier. Certains travaux demandent plus de technicité sur place (par exemple, éclairage de studio) et d’autres exigent des heures de travail sous Photoshop (retouches et montages photo). Enfin, comme dans quasiment toutes les activités commerciales, la quantité fait baisser le coût à l’unité. Une séance de 2h coûte proportionnellement beaucoup plus cher et, à l’opposé, si vous me commandez un projet impliquant 7 jours de shoot, je ferai baisser le tarif journée.
VIDEO
Concernant la vidéo, je prends l’exemple d’un film de 2 minutes 30.
Tarif : 980 € / minute de film monté, soit 980 x 2,5 = 2450 €
Je sais, c’est cher. Mais voyons voir ce que ce prix englobe :
+ Pré-production
Rédaction d’un scénario (2 à 3 pages formatées) et recherche de musiques = 4 à 7 heures. Le scénario est envoyé au client pour validation, en général le client émet quelques remarques, il faut donc modifier un peu le scénario avant validation finale.
Retouches du scénario = 2 heures
Le scénario est validé, il faut ensuite préparer la logistique de tournage = 4 à 7 heures Cette phase est cruciale, afin de passer le moins de temps possible en prise de vue et par la suite optimiser le temps de montage, il faut découper le scénario en plans, c’est à dire imaginer chaque prise de vue une par une, les lister et les classer - c’est pour ça que bien souvent on tourne un film dans le désordre, beaucoup de paramètres entrent en compte, tels que la géographie et la disponibilité des personnes apparaissant à l’écran.
+ Production
La logistique de tournage st validée, touts les intervenants sont OK avec le planning, on peut attaquer le tournage. En moyenne, pour un film de 2 minutes 30 relativement simple (c’est à dire traitant un à trois thèmes autour d’un sujet unique), il faut compter 2 à 3 jours de prise de vue. = 14 à 21 heures.
+ Post-production
Le tournage est dans la boîte, il faut maintenant « dé-rusher », c’est à dire regarder et trier l’intégralité des prises de vues (d’où l’importance de toute la préparation en amont), et enfin monter le film. = 7 à 14 heures
Là encore le client émet en générale quelques remarques, on modifie un peu le montage, une à deux fois avant de livrer le film final. = 2 à 3 heures
Je résume, en chiffrant au plus rapide :
Pré-production / préparation = 10 heures
Production / tournage = 14 heures
Post-production / montage = 10 heures
Soit = 2450 € / 34 heures de travail, donc environ 72 € de l’heure.
Ce tarif est susceptible de monter si le client souhaite un film un peu plus complexe et étoffé, par exemple un peut avoir recours à un professionnel pour la voix off, un infographiste/animateur 3D pour réaliser un habillage vidéo spécifique ou des effets spéciaux…
Si certains de mes clients lisent cet article, ils sauront que je décrit des timings parfaitement réalistes.

Bref, qu’il s’agisse de photo ou de vidéo, je suis dans une gamme de prix similaire à celle d’un maçon, d’un électricien, d’un couvreur ou d’un… Plombier. Et c’est quelque chose dont je suis plutôt content, tant je trouve ces métiers admirables.
Je ne vous ferai pas de laïus sur ce que mon travail me coûte en fonctionnement, investissement, amortissement et tous ces trucs-en-ment. Ça c’est mon problème, au même titre que je ne pose pas la question de savoir si mon plombier roule en Jumper ou en Transporter ou encore s’il travaille avec du Stanley ou du Dexter. C’est son affaire et tant que le travail est bien fait, ça ne m’intéresse pas vraiment. Tout au plus vous dirais-je que je travaille avec du matos Nikon et qu’avec le temps j’ai compris que le matériel amateur est parfaitement capable de produire des images d’une excellente qualité - parfaitement exploitables professionnellement, mais hélas pas à la hauteur en terme de solidité. C’est pourquoi je fais confiance à la gamme pro, ça coûte un bras mais la fiabilité et la solidité sont dignes de véhicules suédois des années 70/80.

Comme vous pouvez le voir, du pur point de vue du coût du travail, un job de photographe ou de vidéaste est bien loin d’être exorbitant. Seulement ce sont des travaux qu’on n’a pas l’habitude de commander et l’annonce d’un tarif sans explication a vite fait de faire peur. Mais en fin de compte, vu le volume de travail engagé, c’est loin d’être une arnaque.
Enfin, on trouve tout à tous les prix, surtout en photo. Libre à vous de trouver untel trop cher ou encore un autre totalement "bon marché". Nous sommes tous des consommateurs et le prix est bien souvent notre seul critère. Toutefois je vous invite à vous fier avant tout à votre instinct, a votre goût. Un photographe n’est pas meilleur qu’un autre parce qu’il est plus cher et à l’inverse il n’est pas moins bon parce qu’il est moins cher. Le principal critère pour choisir un photographe, ou tout autre artiste, devrait d’abord être le fait que vous appréciez son travail et que le courant passe entre vous.
Th/V
Photos © Corentin Azamoun
Dernière photo © Alexandre Tirard - Tendance Roadster